
Deux livres. Deux cris étouffés qui traversent le temps.
– Cinq Têtes Coupées : Massacres coloniaux, enquête sur la fabrication de l’oubli de Daniel Schneidermann
– Le Pain des Français de Xavier Le Clerc
Dans le premier, le lieutenant Pétau, jeune officier français, écrit à sa fiancée pour dénoncer les crimes auxquels il assiste pendant la colonisation de l’Algérie. Il décrit l’horreur, les exécutions, les têtes coupées.
Dans le second, Zohra, femme anonyme dont le crâne est exposé dans une vitrine du musée de l’Homme, devient le centre de gravité d’un récit intime, porté par un narrateur français issu de l’immigration algérienne.
Pétau et Zohra ne se sont jamais croisés. Et pourtant, ils se répondent. Ils incarnent ce lien invisible entre mémoire refoulée, conscience éveillée et refus de l’oubli. Car ce que l’on enterre mal finit toujours par revenir. La relation algéro-française en est un exemple douloureux : entre ceux qui appellent au respect, à la reconnaissance et à une réparation morale, et ceux qui préfèrent le déni, la réécriture, la posture de vainqueur là où l’Histoire les a démentis. Lire ces récits, c’est entendre ce que l’histoire officielle a voulu taire.
C’est aussi et surtout, rouvrir les yeux. Et peut-être, bien penser pour commencer à panser.
Slim Othmani, Juillet 2025