
J’ai commencé à jouer au golf en 1987. À l’époque, j’attendais mon départ imminent pour le Canada, ce pays où j’allais émigrer. Ce contexte me laissait chaque jour une certaine liberté, bien que nouvellement papa d’un magnifique petit garçon débordant d’énergie et de vitalité.
Depuis toujours, j’ai affiché des aptitudes sportives qui m’ont donné l’illusion que tous les sports m’étaient accessibles. J’ai donc pratiqué, presque compulsivement, une variété impressionnante de disciplines, certaines avec plus d’assiduité que d’autres : tennis, ping-pong, natation, water-polo, équitation (saut d’obstacles et courses), saut en hauteur, handball, squash… La liste est longue.
Chaque sport représentait un défi physique et mental. Et bien que ma morphologie relativement robuste pour l’époque – 1,80 m – m’avantageait, j’ai vite compris qu’il était illusoire d’exceller partout. Deux accidents lors de matchs de handball mirent brutalement fin à mes ambitions d’athlète hors norme. Mon premier coup dur fut une fracture ouverte de l’articulation du pouce droit, qui nécessita une longue convalescence et me priva du championnat du monde junior en Suède. Trois ans plus tard, un violent choc lors d’un match avec mon club, l’ASPTT, provoqua un déplacement du disque L5-S1. Ce second accident anéantit définitivement mes rêves de sportif de haut niveau, mais pas ma passion pour le sport.
Ces blessures m’imposèrent des ajustements drastiques. Mon dos, en souffrance constante, m’obligea à réduire mes engagements sportifs. C’est alors que je découvris le golf, une discipline que j’imaginais adaptée à ma condition. Quelle naïveté !
Aujourd’hui, après 38 ans de pratique, je peux l’affirmer sans rougir : je ne sais toujours pas jouer au golf. Ce sport est, sans conteste, le plus complexe que j’aie rencontré. Il est bien plus qu’un jeu : c’est une métaphore de la vie, une mise à nu de nos forces et de nos faiblesses, un révélateur implacable de personnalité.
Les fins de partie sont des moments délicieux. Entre partenaires et adversaires, chacun, emporté par son ego, y va de ses commentaires en analysant surtout les faiblesses des autres, oubliant que chaque partie est un combat intime où physique et mental sont mis à rude épreuve. Ce sport, d’une violence intérieure rare, exige une humilité hors norme, car il expose nos imperfections au grand jour. C’est peut-être ce qui me fascine tant.
Je n’aime pas les habitudes ni la régularité. C’est sans doute pour cela que je déteste jouer avec des adversaires trop sérieux, ceux qui ne ratent rien, ne s’égarent jamais dans les bois, et font la tête quand ils perdent. Souvent, je me dis que si ces gens-là sont aussi rigides dans la vie, ils doivent être prodigieusement ennuyeux. Chiant !
Bien que très organisé, je ne suis pas perfectionniste. Rêveur et idéaliste, j’aime laisser s’exprimer ma créativité. J’accepte mes imperfections et mes contradictions, et je me suis toujours perçu comme un iconoclaste – ce que d’autres n’ont pas manqué de souligner. Pourtant, je n’ai jamais cherché à l’être : me contentant d’être moi.
Au golf, cette facette de moi-même s’exprime pleinement : des coups spectaculaires et inattendus côtoient des ratés d’une rare médiocrité. Et, parfois, je proclame haut et fort que le vrai moi, c’est le coup de génie, pas le coup stupide. Ceux qui apprécient mes excentricités et aiment jouer avec moi comprendront mon propos, mes égarements, et afficheront une indulgence affectueuse. Mais qui pourrait vraiment comprendre cela, à part eux et moi ? J’aime autant mes forces que mes faiblesses. Voilà le cœur de ma relation avec le golf : une incroyable histoire d’amour avec un sport qui, pour moi, est bien plus qu’un simple jeu. Dommage qu’il traîne cette image de sport élitiste.
Que pourrais-je ajouter, sinon citer Arnold Palmer, une figure emblématique de ce sport :
« Le golf est trompeusement simple et infiniment complexe ; il satisfait l’âme et frustre l’intellect. Il est à la fois gratifiant et exaspérant – et c’est sans aucun doute le plus grand jeu que l’humanité ait jamais inventé. »
Slim Othmani
Janvier-2025
Cher Hubert ….. merci merci pour cette magnifique contribution qui vient non seulement apporter de l’eau à mon moulin mais qui en quelques mots, quelques phrases résonne en moi comme un grand cours d’humilité. je t’en remercie d’autant plus vivement que je t’ai vu à l’oeuvre. C’est un long travail sur soi, c’est une confiance à retrouver, c’est une mémoire à bien entrainer et c’est comme tu le dis si bien un lacher-prise sans lequel “Bad Became really Bad” … au plaisir de te revoir
Tellement vrai mon cher Slim.
1. c’est un sport lent donc qui donne le temps de se prendre la tête
2. C’est le seul sport de balle ou la balle ne bouge pas du fait de l’intention ou de l’action d’un adversaire
3. quel adversaire reste-t-il ? nous-même
Et quel adversaire fantastique, malheureusement mû par une particularité humaine l’intellect et une émotion l’ego. Les 2 plus grands adversaire du joueur de golf à mon avis.
Toi qui a pratiqué le sport de haut niveau, et notamment le handball, te rappelles-tu des moments de “laché prise total” ? Cet instant où tous tes mouvements, initiés par ton entrainement, ta condition physique et ton corps seul qui savait ce qu’il avait à faire dans l’action, ont transcandés un moment de ton match ?
Je l’ai expérimenté au tennis plusieurs fois car encore dans l’action parfois l’intellect n’a pas le temps de te freiner et ton ego non plus.
Au golf, la distance à parcourir, la direction à respecter, les aléas de vent et de lie, tous ces paramètres doivent et surtout peuvent être analysés par notre intellect. Et c’est à ce moment là et seulement à ce moment là que cet intellect doit gérer tous ces critères afin de déterminer, la cible, le choix du club et le point de visée.
Et c’est également à ce moment là que l’Ego doit être géré :
– ne vise pas le drapeau, il est trop bien protégé et tu prends un risque (de l’eau, un bunker, un rebonds vers du rough…) vise le centre du green par exemple et tu essaieras de faire 2 putts après… EGO
– ne prends pas un 7 pour faire tes 140m que tu arrives à faire quand tu le tapes parfaitement ! Tu ne le tapes parfaitement que 2 fois sur 10. Oublie l’EGO et prends un 6 et si tu le tapes parfaitement et bien tu seras peut-être trop long mais au moins tu seras satisfait de ton coup. Et si ca se trouve ton corps ce sera automatiquement adapté car comme tu n’auras créé mois de pression, tu taperas un 6 plus souple et plus rythmé qui fera la distance prévue
– pourquoi toujours prendre le drive alors que parfois le bois 3 suffit ? EGO
– Il vaut mieux jouer certains trous en bogey pour éviter de faire plus. EGO
– ….
Une fois que tu as choisis ton club, grâce à ton intelligence et ton analyse, une routine qui te calme et te mets vraiment dans le mouvement peut te faire oublier l’EGO. On ne réussit pas tous les coups, donc le but c’est de faire le mieux possible à ce moment là. Une fois l’alignement géré et vérifié, il ne reste plus que le mouvement, tous les autres paramètres sont déjà choisis. J’essaye alors de pendre du recul pour laisser mon corps faire ce qu’il sait normalement faire, sauf si mon EGO essayr d’aller plus vite ou de faire mieux que prévu
J’essaye d’appliquer ce principe à chaque coup, car le golf c’est un coup après un autre.
Et bien sur on n’y arrive pas à chaque fois, mais le but c’est d’y arriver de plus en plus souvent
Comme me l’a dit Romain un jour voici une belle phrase de Tiger : How good is your bad !