J’écris ces lignes après avoir parcouru la Vie à portée de main” de Christophe Galfard aux éditions Albin Michel, une lecture passionnante que je recommande à tout lecteur curieux de sonder les mystères du vivant. Ce livre m’a bouleversé, au point de transformer ma manière de voir le monde. Bien sûr, il serait trop facile de dresser la longue liste de tous les prix Nobel qui, au fil du temps, ont contribué à éclairer ce labyrinthe biologique. Mais je préfère convoquer d’abord le premier d’entre eux : Aristote, avec ses intuitions fulgurantes, parfois justes, parfois aveugles, mais toujours fondatrices. Et puis une autre référence, plus intime, plus spirituelle : selon le Coran (23:12), Dieu créa l’homme à partir d’argile. Archée ou eucaryote, il semblerait que la boue, la glaise, la matière la plus humble, ait été le terreau propice à l’éclosion de la vie. Cette image suffit, sans autres détails techniques, à donner le vertige.

Il y a des jours où la Terre ressemble à un vieux théâtre. Les continents sont les planches, les océans les rideaux, et dans les coulisses se cachent deux microorganismes qui se disputent la paternité du vivant. Archées contre eucaryotes. Qui est le premier acteur ? Qui tient le script ? Nous, simples spectateurs devenus personnages, sommes-nous des archées ayant appris à se maquiller en eucaryotes sophistiqués ? Ou juste des eucaryotes évolués, condamnés à rejouer la même scène : naître, se multiplier, mourir ?

Je me surprends à tourner en rond dans ce décor, comme un enfant qui cherche la sortie d’un labyrinthe. D’où venons-nous vraiment ? Du vivant ou du non-vivant ? Et si l’univers n’était qu’un immense archéo-œuf, où la cellule attend qu’on lui souffle son premier code, son premier ADN ? La cellule, ce paradoxe en marche : elle a besoin d’ADN pour synthétiser des protéines, mais les protéines sont nécessaires pour lire et copier l’ADN. Qui, de la poule ou de l’œuf ? Qui, du code ou de la machine ?

Et puis il y a l’ARN, ce messager rebelle, magicien multitâches, qui sait tout faire : transporter, transformer, traduire, parfois même catalyser. C’est comme si l’univers avait glissé dans ce petit ruban une clé pour se souvenir de son propre mystère. Mais plus je l’observe, plus je sens l’abîme s’ouvrir.

À force de vouloir comprendre, je ne vois plus le monde comme avant. Les arbres, les pierres, les rivières, tout me renvoie à cette mécanique prodigieuse. Et je ne peux pas m’empêcher de penser, subrepticement, à une force supérieure. Pas celle des dogmes, mais celle d’une intention ou d’un hasard tellement bien réglé qu’il ressemble à une écriture. Alors je me demande : est-ce moi qui cherche un auteur à tout prix ? Ou y en a-t-il vraiment un, tapi dans les interstices du réel ?

Cette prise de conscience m’a d’abord grisé. Maintenant elle m’écrase. Je suis submergé par ces questions, comme si un océan de savoir m’avait happé et que je regrettais presque mes anciennes naïvetés. Peut-être qu’il y avait une douceur à ne pas savoir. Peut-être qu’il y avait une innocence dans l’ignorance. Mais je suis passé de l’autre côté, et il n’y a pas de retour.

Alors j’écris. Pour me vider. Pour faire exister ce vertige. Peut-être que ce texte est mon archéo-œuf à moi, un embryon de sens dans un cosmos trop vaste. Peut-être que c’est juste un cri, ou une prière silencieuse. Mais c’est aussi un aveu : je ne sais pas. Et dans ce « je ne sais pas » se cache, peut-être, la seule vérité universelle.

2 réponses

  1. D’où venons nous et où allons nous? L’Avant et l’Après qui pourraient nous situer dans cet univers infini de l’espace et du temps . C’est la question qui m’a toujours torturé l’esprit. Ton texte m’a fait du bien en donnant quelques pistes de réflexions et me rassurant que je ne suis pas seul face à me poser ces questions.

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