L’Algérie face à son héritage : restaurer notre patrimoine, c’est construire notre avenir

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Combien de temps encore allons-nous regarder nos monuments historiques se dégrader avant de réaliser l’ampleur de la perte ? L’Algérie possède un patrimoine d’une richesse exceptionnelle, mais faute d’action, il continue de se détériorer sous nos yeux.
Un récent tweet de @ilmalDjazair a jeté une lumière crue sur cette réalité :

“Liste des édifices historiques algériens dans un état de conservation alarmant.
Il faut que nous réalisions qu’une bonne partie de notre patrimoine est en train de disparaître entre nos mains.”

Son message résonne douloureusement avec ce que j’ai moi-même pu constater lors de mes récentes visites à Timgad, Madaure (Mador) et Tipaza. Ces sites, parmi les plus emblématiques du pays, devraient être des fiertés nationales. Timgad, surnommée la “Pompéi de l’Afrique”, et Madaure, ville d’Apulée et de Saint Augustin, portent en eux l’empreinte de civilisations qui ont façonné l’histoire méditerranéenne. Quant à Tipaza, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, son cadre exceptionnel, où se mêlent vestiges romains et paysage méditerranéen, en fait un site unique en son genre. Pourtant, faute de moyens, d’entretien et d’une véritable politique de valorisation, ces sites peinent à être mis en lumière. Les quelques touristes qui les visitent ne manquent pas de s’interroger sur leur état et l’absence d’initiatives à la hauteur de leur importance historique.

Cette situation contraste avec les ambitions affichées par les pouvoirs publics de faire du tourisme un levier économique stratégique. Depuis une décennie, plusieurs plans ont été annoncés pour développer ce secteur, avec des efforts visibles dans l’amélioration des infrastructures et la promotion de la destination Algérie. Mais comment prétendre développer un tourisme culturel attractif si notre patrimoine historique est laissé sans mise en valeur ni préservation adéquate ?

Nos sites archéologiques devraient être des pôles d’attraction internationaux. Pourquoi Carthage en Tunisie, Volubilis au Maroc et Leptis Magna en Libye attirent-ils des visiteurs du monde entier, pendant que Timgad, Madaure et Tipaza restent dans un état précaire ? Que manque-t-il à l’Algérie pour faire de son patrimoine un moteur de développement culturel et économique ?

Un enjeu éducatif et identitaire
Restaurer le patrimoine ne signifie pas simplement le conserver : c’est aussi le rendre vivant et accessible. Comment espérer que les jeunes générations s’approprient leur histoire si nos monuments se dégradent avant qu’ils ne puissent les découvrir ? Valoriser notre patrimoine, c’est leur offrir un accès tangible à leur propre héritage, un socle sur lequel bâtir une identité culturelle forte et ouverte sur le monde. Un site préservé, bien entretenu et valorisé, n’est pas seulement un lieu touristique : c’est aussi un espace d’éducation et de transmission, un témoin vivant des grandes civilisations qui ont façonné l’Algérie.

Un défi collectif, une responsabilité partagée
L’Algérie dispose des moyens et des compétences pour inverser cette tendance. Il est temps de sortir du schéma où l’État porte seul cette responsabilité. Partout ailleurs, la préservation du patrimoine repose sur une synergie entre le secteur public, le secteur privé et la société civile. Le mécénat culturel, qui permet aux entreprises d’investir dans la restauration des sites en échange d’incitations fiscales, est une solution adoptée avec succès par de nombreux pays. Pourquoi ne pas s’en inspirer et encourager nos grandes entreprises à jouer un rôle dans cette mission collective ?

Restaurer notre patrimoine, c’est restaurer notre identité, mais c’est aussi investir dans l’avenir. Ce n’est pas une question de prestige ou de nostalgie, mais un impératif culturel, éducatif et économique. L’Algérie est à un tournant : soit elle décide de préserver son patrimoine et d’en faire un levier d’attractivité et d’identité nationale, soit elle continue de négliger un trésor dont l’exploitation pourrait enrichir sa culture et son économie.
Le temps n’est plus aux discours, mais à l’action. Sommes-nous prêts à relever ce défi collectif ?

Slim Othmani

2 commentaires

  1. Très juste. Mais au delà des sites archéologiques, c’est tout notre patrimoine qui est en péril et qui doit être préservé.

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