Alia Bengana est architecte, enseignante et auteure, née en Algérie. Diplômée de l’ENSA Paris-Belleville et du programme Regenerative Materials de l’ETH Zurich, elle s’est spécialisée depuis près de 15 ans dans l’utilisation de matériaux naturels — notamment la terre crue et les fibres.
Elle mène une carrière hybride :
- Architecte praticienne,
- Enseignante (EPFL Lausanne, HEIA Fribourg, ENSA Paris-Est),
- Consultante en stratégie durable auprès d’agences d’architecture.
Elle est aussi l’autrice du livre « Béton, la fin d’une ère ? », publié chez Heidi.news puis adapté en bande dessinée aux Presses de la Cité. Elle collabore régulièrement avec Tracés, la principale revue d’architecture de Suisse romande.
Pourquoi remettre le béton en question ?
Pour Alia Bengana, le béton est devenu le matériau par défaut dans la construction mondiale. Pourtant, son coût environnemental est très élevé, autant en termes d’émissions carbone que de consommation de ressources.
Elle ne propose pas de l’éliminer totalement, mais d’en faire un usage plus intelligent :
« Si nous n’utilisions le béton que pour la structure et que nous en minimisions l’usage, nous pourrions remplir avec d’autres matériaux moins carbonés, comme la terre crue ou les fibres, qui ont des cycles de vie plus vertueux. »
Elle souligne également que l’usage massif du béton a un impact sociétal et que les architectes ont la responsabilité de proposer des alternatives réalistes.
Savoir-faire locaux et innovation
Elle cite l’architecte burkinabé Francis Kéré comme exemple d’une approche pertinente : réintroduire la terre comme matériau moderne en combinant techniques traditionnelles et innovations (briques de terre compressée renforcées avec un peu de ciment).
Cette démarche permet :
- de valoriser les ressources locales,
- d’adapter l’architecture au climat,
- de reconnecter avec des matériaux délaissés mais performants.
Vers une architecture hybride et responsable
Pour construire de manière durable, Alia Bengana défend trois principes :
- Utiliser les ressources locales
- Hybrider matériaux et compétences
- Réserver le béton à ce qui est indispensable, et le compléter avec des matériaux naturels biosourcés
Cette logique permet de réduire l’empreinte carbone, de limiter la consommation d’énergie et d’améliorer le cycle de vie des bâtiments.
Penser la durabilité sur le long terme
Elle insiste sur un point souvent négligé : le coût futur de la rénovation des infrastructures en béton, autant financier qu’environnemental. Selon elle, la durabilité ne se limite pas à la construction neuve, mais inclut l’entretien, la transformation et la réhabilitation du bâti existant.
Une évolution culturelle, éthique et réglementaire
Pour Alia Bengana, les choix de matériaux deviennent aussi des choix éthiques. La durabilité n’est plus une option, mais un critère de responsabilité.
« Les principes éthiques influencent le choix des matériaux et des méthodes de construction. »
La réglementation suit cette évolution. En France, la RE 2020 impose un seuil d’empreinte carbone pour chaque permis de construire, ce qui oblige les acteurs du secteur à revoir leurs pratiques.
Une nouvelle manière de construire
La vision d’Alia Bengana est claire :
- Le béton ne doit plus être le réflexe automatique.
- Les matériaux naturels et locaux ne sont pas un retour en arrière.
- L’innovation consiste à hybrider, transmettre, économiser, réhabiliter.
Elle invite les architectes à imaginer une architecture plus sobre, plus intelligente et mieux ancrée dans son territoire.