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Ce n’est pas le génie, c’est le terreau

Le 4 juillet 25

On nous répète à longueur d’articles, de conférences et de success stories qu’un homme ou une femme, armé(e) de son génie et de sa détermination, peut bouleverser le monde. Gates, Bezos, Musk, Zuckerberg… Ces noms sont devenus des mythes modernes, des totems que l’on brandit pour inciter les autres à « oser », à « croire en eux », à « entreprendre ». Mais on oublie, un peu trop vite, ce que j’appellerais le facteur silencieux : l’écosystème. Car même la plus belle graine ne donne rien sur un sol aride. Même l’embryon le plus prometteur n’éclot pas dans un utérus hostile. Ce n’est ni poétique ni fataliste, c’est biologique, systémique. Il en va de même pour les humains et leurs projets. Il ne suffit pas d’avoir une idée géniale ou une volonté de fer. Encore faut-il évoluer dans un environnement qui nourrit, protège, stimule, finance, connecte et valorise. C’est cela, un écosystème. Et dans les pays du Sud, nous savons à quel point il est souvent défaillant.

L’erreur du miroir déformant : Alors non, je ne suis pas en train de minimiser les mérites de ceux qui ont réussi. Mais je refuse que l’on continue de nous vendre leurs parcours comme reproductibles, universels, décontextualisés. Bezos n’a pas commencé dans son garage. Il a commencé avec un prêt de 300 000 dollars de ses parents, dans un pays où les infrastructures numériques, postales, financières et légales étaient déjà en place. Musk ne s’est pas improvisé ingénieur de fusées ; il a bénéficié d’une immense commande publique de la NASA. Gates n’a pas « tout quitté » pour son rêve ; il avait déjà accès à un ordinateur à une époque où cela relevait du luxe absolu. Ce sont des produits d’un écosystème extraordinairement favorable. Un terreau d’exception.

Et nous ? Nous, habitants du Sud global, sommes souvent tentés par l’auto-flagellation. Pourquoi pas nous ? Pourquoi pas l’Algérie ? Pourquoi pas l’Afrique ? Mais la question est mal posée. Ce n’est pas une affaire d’intelligence collective ou de courage individuel. Ce n’est pas non plus une malédiction. C’est une question d’environnement. Sans sécurité juridique, sans capital patient, sans systèmes éducatifs adaptés, sans infrastructures logistiques solides, sans libertés économiques réelles… que pouvons-nous espérer construire de durable ? Comment demander à une fleur de pousser sous le bitume ?

L’autre piège : la soumission aux modèles dominants : Il y a pire que l’admiration : l’imitation. Fascinés par les figures de la Silicon Valley, nous en venons parfois à accepter, sans recul, leurs normes, leurs méthodes, leurs idéologies. Or, il n’est pas sûr que ce modèle soit souhaitable partout, ni même pérenne. Faut-il vraiment calquer nos économies sur les logiques de croissance infinie, de disruption à tout prix, d’ultra-libéralisme technologique ? Doit-on subir leurs choix sociaux, culturels, environnementaux, simplement parce qu’ils sont riches et puissants ? Ils sont humains, après tout. Et nous avons, nous aussi, des intelligences, des valeurs, des ressources, des urgences qui exigent un autre cadre.

Reconstruire nos propres écosystèmes : La question n’est donc pas : « Comment produire notre Elon Musk ? », mais plutôt : « Comment créer un écosystème qui permette à des milliers d’hommes et de femmes de faire émerger des solutions adaptées à leur contexte ? » Cela passera par :

  • Un État stratège mais non centralisateur ;
  • Une école connectée à la réalité économique et sociale ;
  • Des incubateurs et des capitaux patients ;
  • Une tolérance à l’échec ;
  • Une culture de la coopération, pas seulement de la compétition ;
  • Et surtout, une confiance restaurée entre les citoyens, les institutions et les entrepreneurs.

Conclusion : Il est temps de cesser de regarder l’herbe plus verte ailleurs. Ce n’est pas qu’elle est plus verte parce qu’ils sont plus brillants. C’est qu’ils ont arrosé, fertilisé, désherbé, structuré. Alors arrêtons de nous flageller. Et arrêtons de fantasmer. Nos réussites viendront, non d’un génie providentiel, mais d’un sol fertile, intelligemment préparé.

À nous de nous y atteler…

Slim Othmani , Juillet 2025

9 réponses

  1. Il ne manque que le big-bang pour créer l’alchimie qui mettra en œuvre ces énergies et ces talents !
    C’est de croire en ses capacités partout dans les territoires du sud global.

  2. Excellente analyse M. Othmani. Sa mise en place nécessite des gens dévoué(e)s et soucieux (ses) de contribuer au développement. Des compétences existent: il suffit juste de fournir l’environnement adéquat comme vous l’avez si bien écrit et décrit.

  3. Pour continuer dans ta métaphore Slim, cette herbe verte est souvent le reflet d’un paradigme social qui handicape aujourd’hui cet occident qui, par un (néo) colonialisme et une ultra globalisation a « prospéré » au point de qualifier les autres hebres de l’écosystème végétal comme étant de « mauvaises herbes » et à éduqué ses citoyens à les arracher tout en faisant tout (pesticides et produits chimiques de tout genre en refont) pour que son herbe reste « verdoyante ». La preuve, dès que la pelouse est jaune, signe pourtant naturel de sa résilience, on gaspille une quantité d’eau propre à la consommation, qui coûte chère à produire mais qui est quasi gratuite aux citoyens, à une heure de chaleur qui fait évaporer la plus grande quantité pour rien. Ça peut sembler anodin, mais en réalité il n’en est rien. C’est le même raisonnement qui a fait naître le qualificatif de « licorne » pour signifier le sommet de la réussite, financière en tout cas, en dépassant le milliard de $ même si l’entreprise, ni ses produits, ni ses services ne servent aucune la vie ou le vivant. Même que souvent c’est à leur déterminent que cette valorisation est faite.
    À ce sujet, j’ai récemment déconseillé d’imiter ce genre de critère de success pour l’écosystème d’innovation et d’entrepreneuriat en Afrique en appellant plutôt pour une co-construction contextuelle de critère propres au continent.

  4. Tout à fait d’accord … entre les lignes on comprend qu’un écosystème est aussi le reflet du consensus social. Imposé et l’écosystème sera fermé cloisonné, rigide et soumis. Consensuel et il sera souple, dynamique et libre

  5. Cher Bachir merci pour ton commentaire. Tu fais partie des parte drapeau du changement de paradigme. L’Algérie ne peut plus aborder l’avenir avec une gérontocratie largement dépassée par les enjeux qu’elle affronte au quotidien. ….. c’est un d’un souffle nouveau qu’il faut…. même de loin n’abandonne pas. Tout l’écosystème Algérien est à revoir. C’est un total Reset qu’il faut mener…. Bien sur qu’il y a du bon mais le bon est submergé par le désastreux à commencer par la bureaucratie…..

  6. Excellente analyse. Lucide et logique. Elle donne les ingrédients d’une stratégie pour bâtir l’Algérie de demain. Il reste à trouver les gens qui veulent la mettre en œuvre.

  7. Bonjour, Bonne réflexion. Il ne s’agit de transposer des expériences, des actions et des perspectives qui ont donné des succès ailleurs. Il est de s’ inspirer, mais les coller c’est l’échec. Notre culture et notre environnement ne sont pas compatibles. La configuration de l’environnement est fondamentale pour la mise en oeuvre de tout projet à connotation économique, sociale émanent de notre initiative ou inspiré des autres pays.

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