Claire Provost & Matt Kenard “le Coup d’État Silencieux: comment les entreprises ont renversé la démocratie”

   Le temps de lecture 5 min

Mes rêves d’enfant s’étiolent d’années en années au gré de mes lectures et de l’état de délabrement du monde qui défile au quotidien sur nos écrans. Finalement, l’Homme n’est pas bon de nature. Eh oui ! Je me réveille à cela, bien que le doute eût commencé à germer il y a plusieurs années. Candide, dites-vous ? Non, je ne le suis pas.

Merci à l’ouvrage Le Coup d’État silencieux : Comment les entreprises ont renversé la démocratie de Claire Provost et Matt Kennard qui m’a ouvert les yeux sur la manière dont les multinationales ont progressivement accru leur influence au point de supplanter les pouvoirs politiques traditionnels. Quel fabuleux travail de recherche a été mené par les auteurs, à travers tous les continents, assemblant ainsi tous les morceaux du puzzle de l’image de ces nouveaux maîtres du monde. Ils nous font ainsi découvrir par quelles voies et quels moyens les empires ont progressivement cédé leur place au néolibéralisme dans un fracas inouï de violence, sans commune mesure.

Si les auteurs ont tenu à démontrer que cette prise de pouvoir des entreprises n’est pas le fruit d’un complot secret, mais résulte de stratégies délibérées et de l’influence d’idéologues du capitalisme, pour ma part, je tiens à souligner ce qui m’a été donné de découvrir dans cet ouvrage : la cruauté de ce processus de prise de pouvoir, ou plutôt de néocolonialisme. Mot que les auteurs ont soigneusement évité d’employer, car il s’agit bien de cela.

La mise au pas de la justice, les financements occultes et les paradis fiscaux, l’accaparement des terres et la brutalité des hommes de main, le voile jeté sur la destruction de l’environnement, la connivence des institutions internationales, la complicité avec le terrorisme, le trafic des migrants, la constitution d’armées privées, la production d’armes et les tests grandeur nature de leur efficacité, puis pour finir, l’application systématique de la méthode du regime change… Tout y passe lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts des multinationales et leurs revenus. Et ce, sans aucun scrupule.

Les exemples abondent. Comment ignorer le massacre de Marikana en Afrique du Sud en 2012, où 34 mineurs en grève ont été abattus par la police au service des compagnies minières ? Comment ne pas voir dans les conflits en RDC, alimentés par la convoitise des richesses minières, un exemple flagrant de la manœuvre des multinationales pour s’accaparer les ressources, au prix d’une guerre qui a fait des millions de morts ? Et que dire des terres spoliées en Amérique latine, où les populations indigènes sont massacrées ou chassées pour laisser place aux monocultures destinées aux grands groupes agroalimentaires ? La liste est interminable, et chaque exemple vient rappeler la violence systémique qui sous-tend l’expansion des multinationales.

Tout a commencé avec cette obsession imposée aux entreprises d’une croissance des profits sans entrave et de l’impératif de s’étendre au-delà de leurs frontières. Mais en dehors de chez elles, qui allait les protéger ? Combien d’entre nous ont entendu parler du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) ? Cette institution, dont le nom aseptisé masque la réalité brutale d’une perte de souveraineté totale pour tous les États signataires. Car à travers elle, les multinationales ont obtenu un mécanisme sur mesure : la possibilité de poursuivre en justice des gouvernements si des lois ou des régulations entravent leurs profits. Elles ont ainsi fabriqué leur propre protecteur, leur propre justicier.

Les multinationales menacent à présent la démocratie, si tant est qu’elle ait jamais existé dans les pays ciblés. Leur règne ne se contente pas de modifier les règles du jeu, il écrase toute alternative.

Mais tout n’est pas perdu. Dans plusieurs pays, la société civile s’éveille et lutte avec acharnement contre cette dérive sécuritaire et antidémocratique. En Amérique latine, des collectifs indigènes se battent pour récupérer leurs terres et mettre fin à la déforestation industrielle. En Afrique, des mouvements citoyens résistent aux abus des compagnies minières et aux gouvernements corrompus qui les soutiennent. En Europe et en Amérique du Nord, des ONG et des journalistes d’investigation tentent de dénoncer ces exactions et de freiner l’impunité des multinationales. Loin d’être un simple détail, cet engagement collectif est le seul rempart encore debout contre cette vague de privatisation du pouvoir.

Ce livre en apporte la preuve détaillée, dénonçant avec force et précision ce que l’on s’efforce de nous faire oublier : la guerre, le pillage et la domination ne sont pas révolus. Ils ont simplement changé de forme. Mais face à cela, la résistance s’organise, et l’espoir subsiste.

Slim Othmani – Mars 2025

2 commentaires

  1. Mon cher ami

    Toujours un plaisir de te lire, je te remercie pour ce partage, tes.mots ont attisé ma curiosité même si ce sujet ne m’est pas inconnu, moi qui cherchait un bon livre pour ces jours ci il me semble que je bien de le trouver grâce à toi. Je t’en remercie
    Bien à toi

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