Tariq Ali : “Churchill, sa vie, ses crimes”

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On ne touche pas au vieux lion obstinéqui a tenu tête à Hitler sans risquer les foudres de la presse anglaise conservatrice, qui continue d’aduler le mythique politicien comme une vieille relique divine. Pas étonnant, donc, qu’elle se soit acharnée sur Tariq Ali, l’accusant de tous les crimes alors que l’auteur s’est contenté de mettre en lumière des passages méconnus et peu flatteurs de la vie de l’ancien premier ministre Winston Churchill (1874-1965). L’essayiste ne remet toutefois pas en cause le rôle crucial qu’il a pu avoir pendant la Seconde Guerre mondiale, le seul ayant résisté à Hitler, dans ce portrait critique passionnant et féroce. Il admet que l’« activiste impérial » a aussi été l’une des seules figures politiques importantes de la classe dirigeante à avoir saisi dès la fin de 1938 les dangers du IIIe Reich. D’après Tariq Ali, le culte jugé « excessif » et pratiquement incontesté pour Churchill (il dénombre plus de 1600 biographies à son sujet) n’a rien à voir avec ses hauts faits en temps de guerre. Cette glorification de la rhétorique churchillienne est d’ailleurs assez récente. Entamée par Margaret Thatcher pendant la guerre des Malouines, elle se poursuit avec les conservateurs anglais, qui s’évertuent depuis à la préserver au Royaume-Uni.

Le livre, non conventionnel, bourré de digressions, ne remet pas qu’en question l’héritage du politicien, il démystifie le passé sombre d’un individu considéré comme intouchable. Et le résultat est sévère. Outre ses « catastrophiques » erreurs militaires durant la Première Guerre mondiale, notamment lorsqu’il se retrouve à la tête de la marine, Ali rappelle l’hostilité acharnée de Churchill à l’égard de la classe ouvrière, ses accointances avec plusieurs leaders fascistes comme Mussolini ou Franco. Il pointe également un piètre tacticien obnubilé par la préservation de l’Empire britannique et fasciné par la bombe atomique. Il souligne que, dans les années 1920, Churchill a soutenu avec « enthousiasme » l’utilisation d’armes chimiques contre les Arabes et les Kurdes.

Le prolifique essayiste, qui a déjà mis sur le gril l’héritage politique de George W. Bush et de Barack Obama dans ses précédents essais, présente un Churchill qui ne jure que par la « supériorité anglo-saxonne ». En citant l’ancien premier ministre britannique Harold Macmillan, il rappelle que, pour contrer l’immigration en provenance des Antilles britanniques, Churchill aurait proposé aux conservateurs un slogan électoral que n’aurait pas renié l’extrême droite, « Keep England white » (Garder l’Angleterre blanche), pour les élections générales de 1955. Et ce n’est pas tout. On apprend que Churchill, sexiste, raciste, ne se gênait pas pour exprimer son aversion envers les peuples sous le joug de l’Empire. Il traitait les tribus kikuyus du Kenya de « sauvages nus » et reprochait aux Indiens de « se multiplier comme des lapins ». Selon Tariq Ali, Churchill a aussi été derrière plusieurs crimes de guerre : les pratiques violentes de l’armée britannique au Soudan en 1898, la famine du Bengale en 1943 ou la répression brutale de la résistance grecque.

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