La première fois que j’ai lu ce titre, j’ai cru à une énième tentative de démystification des grands concepts économiques. Je m’attendais à un livre de plus sur la rationalité des marchés, les incitations, ou les fameuses « lois » qui régiraient nos comportements. Sans être économiste, mon expérience de chef d’entreprise engagé dans l’amélioration du climat des affaires en Algérie m’a naturellement donné envie d’en savoir plus.
Et pourtant… quelle surprise ! Ce livre est bien moins un traité d’économie qu’un voyage au cœur de la curiosité humaine. Levitt et Dubner ne dissèquent pas des équations, mais des comportements ; ils traquent les logiques cachées derrière les apparences. On y retrouve davantage l’esprit d’un Roland Barthes que celui d’un Keynes : une sémiologie du quotidien où chaque signe — du prénom d’un enfant à la stratégie d’un dealer — devient porteur de sens.
L’ouvrage renverse la table des évidences : les auteurs s’amusent à démonter ces explications qu’on sert après coup pour rendre les événements « logiques ». Leur méthode ? Croiser les données, tordre les hypothèses, et poser les questions que personne n’ose formuler. Que révèle vraiment le taux de criminalité ? Pourquoi un professeur peut-il être tenté de tricher ? Et, plus déroutant encore, pourquoi les dealers vivent-ils encore chez leur maman ? (titre du fameux chapitre 3, qui mérite à lui seul la lecture).
Freakonomics n’est pas un simple livre : c’est un miroir tendu à nos certitudes. Il rappelle qu’en économie comme dans la vie, les causes ne sont pas toujours là où on croit les voir. Et c’est peut-être ce mélange d’intelligence et d’impertinence qui en fait un classique : un ouvrage capable de faire douter les experts et d’instruire les profanes, avec le même plaisir.