C’est un signal d’alarme à l’attention de ceux qui passent leur temps à s’enorgueillir de pousser à la réduction des marges des industriels, il est temps de leur rappeler que les conséquences à moyen et long terme de telles actions sont pénalisantes tant pour les entreprises que pour l’économie du pays dans son ensemble, voici un résumé succinct des impacts mais aussi des pré-requis à une telle démarche, qui ont été vertement ignorés :
- Investissements réduits : Avec des marges plus faibles, les entreprises disposent de moins de fonds pour réinvestir dans l’innovation, l’expansion ou la modernisation de leurs installations et équipements. Cela peut freiner leur croissance et réduire leur compétitivité à long terme.
- Pression sur la qualité et les coûts : Pour maintenir leurs marges, les entreprises pourraient chercher à réduire leurs coûts, ce qui pourrait impliquer la réduction de la qualité des produits, l’utilisation de matériaux moins chers, ou la diminution des salaires et des avantages pour les employés.
- Impact sur l’emploi : Les entreprises pourraient également réduire leurs effectifs pour diminuer les coûts opérationnels, ce qui pourrait augmenter le chômage dans le secteur industriel.
- Effets sur les sous-traitants et les fournisseurs : Les entreprises industrielles pourraient exercer une pression sur leurs fournisseurs pour obtenir des prix plus bas, ce qui pourrait impacter toute la chaîne d’approvisionnement, réduisant la viabilité des petits fournisseurs.
- Réduction de la capacité d’endettement : Avec des marges plus étroites, la capacité des entreprises à emprunter est affectée car les prêteurs voient leur profitabilité réduite comme un risque accru.
- Conséquences sur l’innovation : Une marge plus faible peut signifier moins de fonds disponibles pour la recherche et le développement, limitant ainsi les avancées technologiques et l’innovation dans les produits et les processus.
- Impact sur les prix des produits : Paradoxalement, si les entreprises ne parviennent pas à réduire les coûts de production efficacement, elles pourraient être contraintes d’augmenter les prix pour maintenir des niveaux de marge viables, ce qui pourrait réduire la demande pour leurs produits. (Dans ce cas précis la pression des pouvoirs publics s’exercera aussi sur les distributeurs en restreignant leurs marges)
- Conséquences macroéconomiques : Sur une grande échelle, la limitation des marges dans un secteur industriel majeur peut affecter la croissance économique globale, la balance commerciale d’un pays, et influencer la politique économique et fiscale.
Chaque entreprise pouvant réagir différemment à une telle limitation, en fonction de sa structure de coûts, de son positionnement sur le marché et de sa stratégie globale. Il est crucial pour les décideurs politiques de considérer ces effets avant de mettre en œuvre des politiques qui pourraient limiter les marges des entreprises industrielles. Cependant on ne peut ignorer que c’est un débat complexe. En effet, l’intention de limiter les marges des entreprises peut être motivée par le désir du gouvernement de contrôler l’inflation et de maintenir ou d’améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs, surtout dans des secteurs critiques comme l’alimentation, l’énergie, ou la santé. L’efficacité de telles mesures dépend donc largement de leur mise en œuvre et des spécificités du marché concerné. Il s’agira donc de tenir compte des points suivants avant de s’engager dans un tel processus :
- Effet à court terme vs à long terme: Limiter les marges peut aider à stabiliser les prix à court terme, ce qui semble bénéfique pour le pouvoir d’achat. Toutefois, à long terme, cela pourrait conduire à une réduction de l’investissement dans les secteurs touchés, à une baisse de l’innovation et potentiellement à une détérioration de la qualité des produits.
- Impact sur la compétitivité: Si les entreprises ne peuvent pas maintenir des marges qui soutiennent l’investissement et l’innovation, cela pourrait rendre un secteur moins compétitif à l’échelle internationale. Cela pourrait, à terme, nuire à l’économie du pays et, par ricochet, au pouvoir d’achat des consommateurs.
- Distorsions de marché: L’intervention dans la fixation des prix ou des marges peut créer des distorsions dans le fonctionnement normal des marchés. Cela peut entraîner des inefficacités, comme une allocation suboptimale des ressources ou des pénuries de produits.
- Alternatives politiques: Il pourrait être plus efficace de soutenir le pouvoir d’achat par d’autres moyens, tels que des subventions ciblées pour les produits de base, des crédits d’impôt pour les ménages à faible revenu, ou des investissements dans les technologies visant à réduire les coûts de production de manière durable.
- Répercussions sur les consommateurs : Les consommateurs pourraient bénéficier temporairement de prix inférieurs, mais ils pourraient aussi souffrir de la réduction de la qualité ou de la disponibilité des produits à plus long terme.
En conclusion, si la préservation du pouvoir d’achat est une préoccupation légitime, les méthodes pour y parvenir doivent être soigneusement évaluées pour éviter des conséquences inattendues ou contre-productives. Une politique économique bien conçue devrait chercher un équilibre entre la protection des consommateurs et la viabilité à long terme des entreprises. Il convient donc d’ouvrir un véritable débats avec les acteurs économiques, les experts, mais aussi d’autres partie prenantes, pour affiner au mieux la politique économique du pays. Un minimum de consensus s’impose compte tenu de la gravité des conséquences potentielles. A bon entendeur !
Slim Othmani
Une réponse
Tout à fait d’accord avec ce plaidoyer contre le plafonnement des marges. Toutefois il serait plus indiqué de mettre en relief le remède à la hausse des prix et donc à la protection du pouvoir d’achat des consommateurs. Ce remède est pourtant d’une simplicité déconcertante et est utilisé par toutes les fortes économies mondiales . Il s’agit de la concurrence seul instrument efficace de maitrise des prix. Or, à ce jour, aucune politique publique de la concurrence n’a été réellement mise en œuvre. Le terme même de concurrence semble devenu un tabou. IL faut se demander pourquoi le Conseil de la concurrence a été gelé de 2003 à 2013 puis de 2021 à 2024 ? et une fois réactivé (récemment) quel serait son plan d’action actuel ? . Cela ne semble pas être une préoccupation prioritaire des pouvoirs publics.