
Messieurs les Présidents,
La réouverture de la ligne ferroviaire entre l’Algérie et la Tunisie, reliant Annaba à Tunis, a suscité joie et espoir. Après tant d’années de silence, voir nos deux peuples reliés à nouveau par le rail est un geste fort, porteur de sens. Mais un symbole ne suffit pas. Dix heures pour parcourir à peine 300 kilomètres ne peuvent être une fin en soi : elles rappellent davantage le XIXᵉ siècle que le XXIᵉ que nous voulons bâtir ensemble.
Oui, cette liaison est utile. Oui, elle répond à une attente réelle. Mais elle aurait pu — et peut encore — incarner une autre ambition : celle d’un corridor moderne, fluide, sécurisé et rapide, reliant nos économies, nos étudiants, nos artistes, nos familles. Un trait d’union vivant entre deux nations sœurs, et non un simple ruban inaugural.
Messieurs les Présidents,
Nous vous appelons à faire de cette voie ferrée un levier de coopération exemplaire. Un projet structurant capable de relier le rêve maghrébin à la réalité contemporaine. À oser la modernisation de nos infrastructures, la mise à niveau de nos réseaux, et à bâtir ensemble un modèle de connectivité régionale digne de nos peuples.
Mais il y a urgence. Urgence à agir avant que l’état actuel de cette infrastructure ne finisse par s’installer dans la normalité, et que la lenteur ne devienne, une fois encore, une habitude nationale. Urgence à rompre avec la complaisance technique qui finit par éteindre les élans politiques.
Le temps joue contre nous : chaque jour qui passe sans modernisation condamne nos ambitions à rester sur le quai.
Dans un texte que j’ai publié il y a quelque temps, intitulé « Fraternité entravée – Appel à l’union et à l’ouverture entre l’Algérie et la Tunisie », j’invitais déjà à dépasser les gestes symboliques pour entrer dans l’action durable. Ce train pourrait être le premier acte de cette volonté retrouvée, si nous choisissons le cap du bon sens plutôt que celui du populisme.
La fraternité algéro-tunisienne ne doit plus se contenter d’émotions partagées : elle doit se traduire par des projets concrets, ambitieux et sincères.
Que la voie du train devienne enfin celle de la raison, du progrès et de la confiance retrouvée entre nos deux peuples.
Slim Othmani, Octobre 2025